Une finale
sous le signe d’un profond respect
Cela commence comme un conte pour enfants. L’histoire de deux gamins nés à quelques heures près le même jour, les 24 et 25 mars 1976, mais à 4.500km de distance, Ziguinchor pour l’aîné, Champigny-sur-Marne pour le cadet. Rien ne semblait devoir les réunir un jour. Sinon que le Sénégalais s’en vint s’installer quand il avait neuf ans dans la ville où l’Algérien coulait des jours heureux, bercé par ses rêves de foot. Dans cette ville de 80.000 habitants dans la moyenne banlieue de Paris, ils allaient conduire des chemins parallèles sans jamais se rencontrer ailleurs que sur un terrain. C’est leur identité campinienne qui les réunit aujourd’hui, à l’heure où ils s’apprêtent à jouer la finale de la 32e Coupe d’Afrique des Nations, chacun aux commandes de son équipe nationale. On pense à deux frères qui se retrouvent un jour, par les circonstances de la vie, face à face. Et cette histoire crée comme un fort sentiment d’empathie pour ces deux hommes qui ont connu une très honorable carrière de footballeur professionnel avec des hauts et des bas.
Aliou Cissé a joué un quart de finale de Coupe du monde, quelques mois après
avoir disputé la finale de la Coupe d’Afrique, à Bamako, contre le Cameroun.
Année tout autant magnifique que détestable. Jamais le Sénégal n’avait atteint
un tel niveau. Mais perdre une couronne continentale après l’épreuve des tirs
au but et rater l’avant-dernière marche du Mondial par la faute d’un but turc assassin
-ceux-là le sont toujours – inscrit au début des prolongations, c’est pire que
de la scoumoune, une forme de malédiction.
Djamel Belmadi n’a pas le même pedigree international. Il n’a d’ailleurs joué
que vingt matches avec l’équipe nationale d’Algérie.
L’enjeu est considérable pour les deux pays. Et beaucoup de ressortir l’argument
des statistiques. Les deux équipes se sont déjà rencontrées au premier tour et
les Fennecs avaient fait la différence sur un but de Youcef Belaïli au début de
la seconde période. Pourquoi voudriez-vous que le score soit inversé ! D’ailleurs
regardez l’histoire de la CAN ajoutent les apprentis historiens une
seule fois lors des circonstances identiques, rencontre au premier tour puis en
finale, seule la RD Congo a été capable de renverser la situation, à Addis Abeba,
il y a plus de cinquante ans… C’était face au Ghana. Même lors de son premier
et unique sacre en 1990 contre le Nigeria, l’Algérie avait gagné le match d’ouverture
(5-1) mais avait beaucoup souffert lors de la finale (1-0). Ce qui est bien
avec les stats c’est qu’on peut leur faire dire tout et n’importe quoi.
On entend d’autres arguments : « c’est cette fois ou jamais pour les Sénégalais », « la victoire serait celle de tous nos compatriotes algériens qui manifestent chaque vendredi contre le pouvoir en place ».
Comme l’a souligné Belmadi en recevant l’assentiment de Cissé « c’est une ironie du sort extraordinaire de se retrouver à ce niveau-là, nous deux, enfants de Champigny-sur-Marne, c’est un truc de dingue ». Est-ce que cela s’est déjà produit dans l’histoire du football, nul ne le sait. En tout cas cela devrait nous valoir une finale d’hommes qui se respectent. Une finale d’adversaires, pas d’ennemis. On a hâte d’y être.