Le désastre égyptien

85e minute de jeu. Touche en faveur des Sud-Africains à l’intérieur de leur camp, à environ trente mètres de la ligne de but de leur gardien Ronwen Williams. En trois passes, le ballon parvient dans les pieds de l’avant-centre Thebo Mothiwa complètement excentré sur la droite. Il a du champ devant lui, personne pour l’attaquer. Et pour cause il ne reste plus qu’Ahmed Hegazy, totalement isolé. Ses camarades sont dans le camp d’en face où ils sont venus donner un coup de main à leurs équipiers du milieu et de la ligne d’attaque. Le petit Thembinkosi Lorch dont ce n’est que la deuxième sélection en équipe nationale se retrouve complètement seul, dans l’axe, face au gardien. Il ne tremble pas et du plat du pied se joue de Mohamed El Shenawy. 1-0 pour les Bafana Bafana. L’Egypte est Out !

L’Egypte est en larmes avant que de devenir en colère. Son équipe vient d’être éliminée d’une Coupe d’Afrique qu’elle organise, entre parenthèses avec la ferme volonté de la gagner comme en 1959, 1986 et 2006. Cette fois cela ne marchera pas. Les 75.000 spectateurs, réunis au stade international du Caire comme lors des trois matches précédents, sont KO debout. Quelques minutes plus tard, le président de la Fédération, Hani Abou Rida annonce sa démission non en avoir préalablement chassé tout le staff technique, à commencer par le sélectionneur mexicain, Javier Aguirre.

Le désastre sportif vient s’ajouter à une situation politique confuse depuis de nombreux mois. Le pays redoutait des attentats. Il n’aura même pas le football pour le détourner de ses appréhensions. Autant dire que le spectacle Coupe d’Afrique des Nations est en berne. Déjà que le public s’était fait rare dans les tribunes du Caire, d’Alexandrie, d’Ismaïlia et de Suez, sauf pour les matches des Pharaons, les prochaines journées risquent de voir des tribunes totalement désertes. Imagine-t-on une finale sans public !

Maintenant il faut commencer à se poser les vraies questions éludées jusque là au nom du principe du changement ou de la modernité. Les meilleurs joueurs, ceux de l’Egypte, du Maroc et d’autres pays n’ont pas semblé disposer de la plénitude de leurs moyens. Ils ont enchaîné championnat, avec parfois plus de cinquante matches dans les jambes, et CAN. Le climat – la chaleur – n’était pas favorable à la tenue d’une telle compétition. Pour faire plaisir aux clubs européens, principalement anglais et français, la CAF avait décidé de bouleverser son calendrier pour ne pas gêner les pros. Il faudra faire un audit, si possible, sur l’état physique des joueurs avant et après la compétition pour savoir si le changement de dates était opportun. Il s’agit là d’une question essentielle.

En tout cas des trois favoris, il n’en reste qu’un seul, le Sénégal. L’Egypte et le Maroc ont été incapables de passer le cap des huitièmes de finale contre sans doute moins forts qu’eux, l’Afrique du Sud et le Bénin. Le champion sortant, le Cameroun, a été sorti, lui aussi, par le Nigeria. On savait que ce serait un match équilibré. Il l’a été ; Mais il fallait bien un vainqueur. L’élimination des Lions Indomptables n’est pas une surprise. Clarence Seedorf n’a pas fait de miracle. Question : le champion de 2017, alors surcoté, possède-t-il de grands joueurs aujourd’hui. La réponse fuse : elle est négative. Mais ceux que l’on attendait, on ne les a pas beaucoup vus. Symptôme de lassitude morale et physique. Il ne faut pas être grand clerc pour en faire le constat.

Il reste encore du beau monde alors qu’on a encore quatre huitièmes de finale à jouer. Pas des moindres, Algérie-Guinée, Mali-Côte d’Ivoire, Ghana-Tunisie. Jusqu’à présent c’est l’Algérie qui s’est montrée la plus séduisante. Mais les mateurs auront surtout un regard vers Madagascar qui après avoir terminé en tête de son groupe avec deux victoires contre le Burundi et le Nigeria, et un nul avec la Guinée s’attaque maintenant à une RD Congo plutôt laborieuse. Jamais les joueurs de la Grande Ile n’auront eu autant de supporteurs qu’au moment du coup d’envoi. Un mot enfin pour les Aigles du Mali. Par la faute de dirigeants incapables, ils ont failli ne pas pouvoir participer à cette CAN 2019. Est-ce que c’est acceptable ? Poser la question, c’est y répondre…

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