Je veux des coupables…

Samedi 23 mars 2019. Il est environ 16 heures au Stade Prince Louis Rwagasore à Bujumbura. Le tableau d’affichage indique 1-1. Le Burundi explose de joie. Pour la première fois il vient de se qualifier pour une Coupe d’Afrique des Nations. Dans la délégation gabonaise, c’est la soupe à la grimace. Façon de parler. L’heure des règlements de compte, du dégagisme ne va pas tarder. Les coupables auront bon dos.

De fait, l’heure des règlements de compte est survenue quasi illico presto. Le mercredi suivant, le ministre des sports a fait son ménage : dissolution de l’équipe nationale, éviction du sélectionneur et ancienne gloire nationale, Daniel Cousin, retour du championnat national au statut amateur et non plus professionnel. Autant de mesures qui ne sont pas de nature à faire du football gabonais une locomotive en Afrique. Le ministre Alain-Claude Bilie By Nze a fait le buzz. Et après ?


Première décision : la recherche d’un nouveau sélectionneur. Ah oui, il y avait urgence. Sous soixante jours ! Depuis une vingtaine d’années, la fédération n’a pas toujours fait le bon choix. Il ne suffit pas d’un bon CV pour faire un bon coach. Il est indispensable d’avoir une connaissance de l’Afrique, en tout cas de n’avoir aucun a priori. J’ai été impliqué une fois dans le recrutement du patron des Panthères. C’était en 1992. J’étais en relation avec l’ancien international belge, Jean Thissen. Nous avions eu, lui et moi, plusieurs rencontres au cours desquelles nous avions longuement parlé. Je l’avais trouvé bien dans sa tête, susceptible de diriger une sélection en Afrique et j’en avais parlé avec mes amis gabonais. Evidemment je ne leur avais pas dit qu’il était le meilleur entraîneur. Je n’étais pas à même de le juger sur ce terrain-là. Mais humainement, je pensais que c’était quelqu’un de sain. La suite, ce fut la première qualification de l’équipe nationale pour la CAN 1994, en Tunisie. Plus tard j’avais été confronté à une situation quasi identique avec un autre pays d’Afrique et le résultat fut aussi positif. Mais je tairais le nom de cet homme qui a laissé une trace indélébile dans le pays qui l’avait engagé.
La carrière de joueur c’est une chose, le métier d’entraîneur, tout à fait autre chose.


Le ministre a encore décrété qu’il fallait revenir au statut amateur. Les clubs comme dans la plupart des pays en Afrique ne sont pas vraiment des clubs pros, ni dans leur encadrement, ni dans leur gouvernance, ni dans le respect des contrats. De grâce, cessons de raconter des histoires. Il y a des exceptions mais elles sont peu nombreuses.
Tout n’est pas négatif dans les projets du ministre. Ainsi de la création de quatre académies de sports. Dans ma conception il s’agit de créer des sections sport-études, dans les différentes régions et d’y former les jeunes footballeurs. J’ai deux exemples, celui du Malien Salif Keita qui a monté une école à Bamako au début des années 90. La réussite de ce pays depuis ne s’est jamais démentie. Et puis l’école Planète-champion à Ouagadougou à la fondation de laquelle j’avais été associé et qui malheureusement s’est arrêtée trop tôt parce que, parfois, il est trop mal de réussir. N’empêche que le football burkinabé ne s’est pas trouvé mal de cette aventure.

Accabler les seuls acteurs est une injustice. Prenons le cas du sélectionneur Daniel Cousin. Au mois de septembre dernier, il est appelé au chevet de l’équipe nationale après le limogeage de l’Espagnol José Antonio Camacho. Il lui aura fallu attendre le mois de février pour signer son contrat et toucher une partie de ses arriérés de salaire après avoir fait intervenir son avocat. Une décision qu’avait modérément appréciée le ministre de tutelle. Témoin : cette phrase assassine « Cette manière de procéder rappelle certains caprices de footballeurs de l’équipe nationale. Lorsqu’on n’a pas de résultat, on ne peut pas
se comporter comme cela ! » 

Je me souviens encore qu’au mois d’octobre les joueurs et l’encadrement de l’équipe du Gabon avaient refusé de monter dans l ’avion prévu pour effectuer le déplacement à Juba pour la rencontre avec le Soudan du Sud. L’appareil n’offrait pas toutes les garanties de sécurité.

L’esprit d’équipe préside à la réussite d’une équipe. Il y a ceux qui sont sur le terrain et tous ceux qui sont à la manœuvre derrière pour mettre en place les conditions de la réussite. La victoire est collective. La défaite ne l’est pas moins.
A bon entendeur, salut !

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