Le football est devenu « trop politique et trop mercantile ». Le constat est celui d’un expert, l’ancien international de la Mannschaft et du Bayern de Munich, Karl-Heinz Rummenigge. S’exprimant récemment devant le congrès du Sport-Business à Dusseldorf il a dénoncé la boulimie des dirigeants adeptes du « toujours plus » : phase de poules de la Ligue des champions par groupes de huit, création de la Coupe du monde des clubs à vingt-quatre, extension du Mondial à quarante-huit équipes… »Le grand problème du football international, c’est que les confédérations développent de plus en plus de compétitions. Il faut se demander si c’est encore bon pour le football ou alors seulement pour le tiroir-caisse », a fustigé le président du directoire du Bayern.
Si un joueur ou un dirigeant africain avaient dénoncé une telle attitude, il aurait été déclaré incompétent, en tout cas il n’aurait pas été ne serait-ce qu’écouté. Car la vérité, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, ne peut pas venir du terroir africain. C’est l’Europe qui sait même lorsqu’elle ne sait rien du football africain. Il est autrement plus simple, par exemple, de prendre l’avion pour aller de Liverpool à Munich ou de Moscou à Milan que d’aller de Conakry à Khartoum ou de Nouadhibou à Ndola. Quand on parle du football africain, on oublie de mentionner la longueur des déplacements et aussi les changements de climat.
J’ai regardé le programme d’Al Ahly, le club le plus titré du football africain. Cette année il aura disputé plus de cinquante matches du 23 septembre 2019 au 11 mai 2020, soit en 231 jours, et sans avoir de périodes de repos. Ne sont pas comptés les matches des sélectionnés en équipes nationales avec toujours la fatigue des déplacements. Le football africain est fragile, en manque, à quelques exceptions près, de ressources financières, et, au moins aussi grave, en manque de public. Par curiosité, allez donc regarder les images sur internet de quelques matches des compétitions interclubs et vous serez surpris de découvrir des tribunes en grande partie vides. Pas dans tous les stades mais dans de trop nombreux. Les plus bienveillants diront que c’est moins pire que pour les matches de championnats nationaux.
Pep Guardiola pense la même chose que Karl-Heinz Rummenigge. Il demande que la Coupe de la Ligue, la troisième épreuve après la Premier League et la Cup, soit supprimée. Elle impose une charge physique qui tend à devenir insupportable pour les joueurs et explique la multiplication des blessures notamment en cette période de l’année. La France avait initié une Coupe de la Ligue au modèle anglais en 1994 ; elle a décidé de la supprimer au terme de l’actuelle saison. Pas suffisamment rentable.
Le football africain s’honorerait à une réflexion sur ces recommandations de hautes personnalités du football mondial et à une prise de mesures afin de ménager ses joueurs qui sont, n’en déplaise aux dirigeants, les hommes les plus précieux de ce monde du ballon rond.