Ballon d’Or : réponse à Samuel Eto’o

« Nous sommes les premiers à nous indigner, mais lorsqu’il s’agit de voter, c’est autre chose. Voilà où se situe le vrai problème », proclamait sur son site Instagram Samuel Eto’o au lendemain de l’élection de Lionnel Messi Ballon d’Or de France Football 2019 et du rejet de Sadio Mané à la quatrième place et de Mohamed Salah à la cinquième. Ailleurs il confiait « j’ai toujours considéré que le football africain n’était pas très solidaire. De 2010 à 2016, les sélectionneurs et les capitaines des sélections nationales affiliées à la FIFA faisaient partie du jury du Ballon d’or, aux côtés des journalistes, et je n’ai jamais vraiment ressenti une grande solidarité des Africains ».

J’entends ce qu’il nous dit et je veux lui répondre.
Samuel, penses-tu que l’Europe, les Amériques ou l’Asie soient plus solidaires que l’Afrique ? Crois-tu qu’il n’y a pas de rivalités entre les plus grands clubs, et d’abord entre les pays ? J’estime que cet argument n’est pas recevable. Les hommes sont les mêmes partout. Ils aiment autant qu’ils détestent. Et c’est tout aussi vrai que certains préfèreront voter contre plutôt que voter pour afin que la consécration ne vienne pas couronner un « ennemi » dont ils ne savent souvent pas dire pourquoi ils le considèrent comme tel. Le journaliste égyptien lui a mis Salah en numéro un et a « oublié » Mané.
J’aimerais ajouter que je suis attristé de voir que le public ne répond pas à l’appel du stade quand leur équipe n’est pas sur le terrain. Tu as suivi la dernière CAN en Egypte. Tu n’as pas pu ne pas noter que le public n’était là que pour les Pharaons. Le reste du temps il vaquait à d’autres divertissements. C’est ainsi et ce n’est pas un comportement qui ne concernerait que la seule Egypte. Les compétitions des petites catégories souffrent énormément de cette désertion. Je me souviens que le match de classement pour la troisième place de la Coupe du monde U20 entre deux équipes africaines, le Mali et le Sénégal, en Nouvelle-Zélande en 2015 n’avait suscité que très très peu de réactions dans les médias des autres pays du continent. Chacun pour soi et advienne que pourra…

Non, il n’est pas dans ce genre de bataille sérieux d’en appeler à une sorte de clanisme, « tu es Africain, donc tu te dois de voter pour un Africain ». C’est une logique qui m’apparaît contraire à l’esprit du sport. The Best (trophée FIFA), le Ballon d’Or (France Football) ou le CAF Award a pour seul but de récompenser le ou les meilleurs au-delà de toute autre considération. Ils sont au football ce que sont les Oscars au cinéma. On peut contester le résultat mais on n’a pas le droit de ne pas l’accepter quand bien même il nous apparaîtrait injuste.

La seule question qui se pose à propos du Ballon d’Or est la suivante :
Qui vote ?
Des journalistes.
Sur quelles bases ?
Sur des matches vus dans les stades, devant son écran de télévision ou sur internet.
En sommes-nous bien sûrs. Il ne suffit pas de voir une petite poignée de matches et plus souvent des buts pour se forger une opinion bien structurée, juger la valeur des uns et des autres, et établir une hiérarchie la plus honnête possible.
Ceux qui ne savent pas se fient à ce qu’ils ont lu ou entendu et votent pour des joueurs à la réputation déjà solidement établie. Au moins on ne leur reprochera pas leur vote. Si vous mettez parmi votre liste de cinq Messi et Ronaldo, vous ne passerez pas pour un non compétent.

Samuel, je voudrais te dire enfin pour ne pas être trop long que nombre d’Africains connaissent mieux le football européen que le football africain. Si tu faisais un peu, comme moi, le tour des sites africains, tu serais stupéfait de la place invraisemblable accordée au foot anglais et à quelques grands clubs, le Barça, le Real, la Juve, l’Inter. Quand Mourinho a été chassé de Manchester United, abondance de papiers sur son limogeage. Quand il est réapparu il y a quelques semaines à la tête de Tottenham Hotspur, scénario identique. Du football africain point. Et de leur football national pas davantage. Si je vais sur un site kenyan c’est pour savoir ce qu’il se passe dans le football national, pas dans ce qu’il se passe à Londres.

Un dernier mot. Toi qui es dans les petits papiers du Président de la CAF, glisse-lui à l’oreille que désigner le meilleur joueur africain le mieux serait de le faire avant le Ballon d’Or. Ce serait peut-être un bon moyen de valoriser le football et les footballeurs africains au moment où les électeurs du magazine français auraient à se déterminer. C’est un problème de communication.

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