Jacques Ferran n’est plus. L’Afrique a perdu un ami

La vie d’un homme est faite de rencontres. La plupart s’inscrivent dans l’éphémère, quelques-unes vous marquent à tout jamais. Jacques Ferran, ancien rédacteur en chef de l’Equipe puis directeur de France Football, dont on vient d’apprendre le décès à l’âge de 98 ans, appartenait, pour moi, à la seconde catégorie.
C’était à la fin des années 70. Je n’appartenais pas encore à la catégorie des journalistes de football. Pensez donc, je m’occupais du football africain. La grande majorité de mes confrères, à Paris, me voyaient comme une sorte de zombie, un être étrange venu d’ailleurs. Pas Jacques Ferran. Avec Jean-Philippe Réthacker, grande plume de L’Equipe, nous avions en partage l’amour de l’Afrique. Tous deux avaient suivi des Coupes d’Afrique avant moi. Un jour Jacques Ferran me demanda si je pouvais produire des informations sur le football africain dans France Football. Je lui demandai un délai de réflexion. « Si je peux vous produire chaque semaine une page complète, alors ce sera oui. Mais je dois d’abord m’assurer de la régularité de cette collaboration ». Je n’imaginais qu’il allait me demander d’être la cheville ouvrière de l’organisation du Ballon d’Or africain. Il ajouta une autre requête, établir le classement annuel des équipes nationales africaines à la lecture de leurs résultats.
De but en blanc, comme si cela allait de soi. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone mobile, pas d’internet, pas même de fax. Le téléphone était souvent compliqué pour joindre l’Afrique. Souvent la communication se limitait à l’utilisation de l’ancestral télex.
Le temps pressait. Je commençais mes premiers contacts au début du mois d’octobre. La parution était programmée au début du mois de janvier. Pendant une bonne douzaine d’années je fus, modestement, un « Monsieur Afrique » de France Football et mes collègues des autres médias finirent par me surnommer « L’Africain ». A travers ma personne ce fut l’Afrique dont j’étais une sorte d’ambassadeur qui obtenait une reconnaissance.
Je ne peux oublier ce que je dois à Jacques Ferran et j’insiste à Jean-Philippe Réthacker. Ferran était un homme très cultivé, ancien professeur de lettres. Quand j’entrais dans son bureau, rue Montmartre, j’avais l’impression d’être appelé par le maître à l’Université de la Sorbonne. Quand il parlait, il avait un phrasé unique. Du respect, jamais de condescendance.
L’Afrique était notre lien commun à tous les trois. Ensemble nous avons été les inébranlables défenseurs du football africain. De ce trio, je reste seul. Et je tenais à dire à tous ceux qui me lisent ou vont me lire que des journalistes, qui n’étaient pas issus de ce continent, se sont battus pour que la famille du football africain ne reste pas seule dans ses combats pour la reconnaissance de son identité.

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