Sierra Leone – Bénin : un témoignage qui ressemble à un réquisitoire

Le match de la 6e et dernière journée des éliminatoires de la CAN entre la Sierra Leone et le Bénin n’a pu se dérouler normalement dans des circonstances étranges. Alors qu’ils avaient été signalés négatifs au test de la Covid-19 le jour de leur départ de Cotonou, les joueurs béninois ont été déclarés positifs à quelques heures du match.
Le quotidien « Ouest France », le plus vendu des quotidiens français, a recueilli le témoignage du défenseur béninois Khaled Adénon, présent avec son équipe à Freetown.
C’est cet entretien que nous avons choisi de reproduire afin d’éclairer ceux qui en ont assez de ces comportements intolérables de ceux pour qui il faut gagner à tout prix.

Mardi 30 mars

8 h. « C’est une journée de match comme les autres. On se réveille tranquillement à l’hôtel de Freetown, on prend le petit-déjeuner, on échange avec le staff. On sait que c’est un match important face à la Sierra Leone pour valider notre qualification. La concentration monte d’un cran. Nous déjeunons avant de partir en sieste. »

« Bloqués dans le bus jusqu’à 17 h ! »

14 h. « Il est l’heure de partir au stade qui se trouve à une vingtaine de minutes. C’est là que les problèmes commencent. Au moment d’arriver, le médecin de la sélection de la Sierra Leone stoppe le bus pour nous présenter un document non officiel comme quoi cinq joueurs béninois sont positifs au Covid. Je me rends compte que je fais partie de la liste. Là, on commence à ne pas trop comprendre car on avait tous été testés négatifs la veille. Le pire, c’est que deux joueurs parmi les cinq cités avaient déjà été contaminés mais avaient créé des anticorps, donc il n’y avait pas de raison qu’ils soient à nouveau positifs. On attend dans le bus que les représentants du Bénin nous rejoignent. Tout le monde commence à se dire que la situation n’est pas normale. Mais, au final, on reste bloqués dans le bus jusqu’à 17 h ! »

« La journée est loin d’être finie… »

17 h. « Tout le monde s’énerve un petit peu, surtout que le papier en question n’est pas fait de manière informatique. Nos noms sont écrits à la main. Ce n’est pas un document officiel. Là, on s’est tout de suite dit qu’il y avait une sorte de triche et on a refusé de jouer le match dans ces conditions. Plusieurs dirigeants ont appelé la CAF pour régler la situation. Le problème, c’est qu’on sait très bien que la CAF et le président de la Sierra Leone sont un peu copains. Ça sent la magouille. À ce moment-là, on attend une réponse et on finit par nous demander de rentrer à l’hôtel. Mais la journée est loin d’être finie… »

« Compliqué pour aller manger »

18 h 30. « On arrive à l’hôtel, mais vu que cinq joueurs sont a priori positifs, ils nous font encore patienter plus de 2 h. On finit par pouvoir rentrer dans nos chambres vers 21 h. On attend encore des décisions de la part de la CAF, mais rien ne se passe. Du coup, la soirée se passe et c’est compliqué pour aller manger. L’hôtel ne veut pas organiser un buffet pour l’équipe. Certains joueurs vont au restaurant. Mais nous, les cinq supposés positifs, on est obligés de rester dans nos chambres respectives. Franchement, en plus, on a mangé de la « m… » (rires) ! Après ça, on part pour notre nuit. »

« Les ennuis continuent »

Mercredi 31 mars

8 h. « On doit repartir pour Cotonou (Bénin) ce matin-là. Et les ennuis continuent. Les autorités ne souhaitent pas nous laisser partir et le staff nous dit que le match va finalement se jouer aujourd’hui à 17 h. Là, tous les joueurs sont remontés car ça ne peut pas se passer dans ces conditions-là. À partir du moment où la CAF est saisie, on attend des sanctions envers la sélection de la Sierra Leone. On finit par trouver un accord pour rejoindre l’aéroport, mais on doit attendre jusqu’à 16 h avant de quitter l’hôtel. »

« Ça donne une mauvaise image de l’Afrique »

17 h. « On embarque dans l’avion. Tout le monde est énervé parce qu’on voulait valider définitivement notre qualification pour la CAN sur ce déplacement. Il ne nous manquait qu’un seul point et la Sierra Leone devait gagner pour avoir son billet. Sauf qu’ils savaient très bien que si nous étions au complet, ils ne pouvaient pas nous battre. Ça faisait clairement partie de leur stratégie. On est dégoûtés car on se dit que cela dépasse totalement le football, ça devient politique et complètement injuste. Ça donne une mauvaise image de l’Afrique. Ça accable la CAF, le monde du foot… Après, un nouveau comité est installé à la CAF donc on espère avoir gain de cause et que des sanctions soient prononcées rapidement pour disqualifier la Sierra Leone ou nous donner la victoire sur tapis vert. En tout cas, on espère qu’ils mettront les bonnes choses en place. De toute manière, ils sont dos au mur. Tout le monde est au courant et nous avons tous été testés négatifs une fois revenus dans nos clubs respectifs. Ça ne peut pas continuer comme ça. C’est désolant. C’est juste de la mauvaise foi, de la triche ! On était tous négatifs à notre retour. Après, s’il y a un report du match, il faudra que cela se déroule sur un terrain neutre. On ne retournera pas là-bas. On attend l’issue de l’enquête de la CAF, mais la fédération du Bénin a également saisi la Fifa donc on espère trouver une issue positive. »

(interview de Khaled Adenon à Ouest France)


Nous avons vérifié :
Quelques jours après ce triste scénario, Saturnin Allagbe a bien défendu les buts de Dijon lors de son déplacement à Marseille, Steve Mounié a bien été aligné par Brest lors de son déplacement à Lorient, Cédric Hountondji et Jodel Dossou ont bien joué avec Clermont Foot contre Niort en Ligue 2. S’ils avaient été positifs, jamais ils n’auraient été autorisés à disputer un match.

La CAF doit faire une enquête sérieuse, écouter les deux présidents des fédérations concernées (cela tombe bien car ils sont tous les deux membres du Comité exécutif) et les mettre devant leurs responsabilités. Qu’elle prenne des sanctions exemplaires en évitant que ce soit toujours les joueurs qui trinquent à la place de ceux qui sont les véritables coupables.

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